Quand en 1945 au lendemain de la victoire des peuples contre le nazisme, la Résistance française, portée par un PCF alors révolutionnaire et une CGT de lutte de classe, mettait en place le système de retraite par répartition, Ambroise Croizat, Ministre communiste du Travail, affirmait que « la retraite ne devait plus être l’antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie ».
Cette conquête sociale des travailleurs actait le droit au repos garanti après une vie de labeur, conquête améliorée ensuite avec le passage légal à la retraite à 60ans. Mais conquête remise en cause depuis, car le « patronat ne désarme jamais » (A. Croizat), avec notamment la baisse du montant des retraites par le biais de l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein (lois Balladur 1993, Fillon 2003, Touraine 2014). Sous le capitalisme, et tant qu’on ne sera pas passé à une société socialiste-communiste gérée par les travailleurs eux-mêmes, tout conquis fruit du rapport de force peut être remis en cause quand le rapport de forces se modifie.
Nos défaites ont été le fruit de nos reculs. Certes, le contexte global né de la victoire temporaire du camp capitaliste d’Europe dans les années 80-90, après la restauration du capitalisme en URSS et l’émergence de la vague néo-libérale agressive ainsi que l’accélération de la construction de l’UE cette prison des peuples, a placé le mouvement ouvrier sur la défensive. Mais les abandons idéologiques et politiques des forces principales de ce mouvement ouvrier, illustrés par un PCF qui s’est perdu dans un réformisme et un opportunisme le plus plat, ont facilité l’entreprise de démolition sociale et anti-démocratique de ce que le vice-président du MEDEF a appelé le « compromis gaullo-communiste ».
Le mouvement ouvrier relève la tête
En 2016 déjà, la lutte contre la loi Travail du gouvernement Hollande a été un important moment de combativité des bases syndicales CGT et des travailleurs. En 2018, le mouvement des « gilets jaunes », né hors du cadre syndical, a été une vaste révolte populaire contre la vie chère. L’actuelle lutte contre le saccage des retraites, qui dure depuis 4 mois, a mis en mouvement des millions de travailleurs de toutes catégories, de précaires et de jeunes. Les grèves reconductibles se sont multipliées, au-delà des journées de grève générale interprofessionnelle posées par le front syndical, avec les secteurs en pointe des raffineries, de l’énergie, des ports et docks, des cheminots, mais aussi des éboueurs de la ville de Paris. Des grèves fortes qui ont pu inspirer de la détermination à d’autres batailles sur les salaires, comme la grève des ouvrières du dépôt logistique de Vertbaudet qui entame sa 7ème semaine.
Cette classe ouvrière, dans la rue, sur les innombrables piquets de grève partout en France, à l’occasion des manifestations dans les grandes villes comme dans les plus petites, reprend le chemin d’une conscience de classe. Les illusions sur la « démocratie » en France reculent : le front dans la NUPES des forces politiques anti-libérales et antifascistes a mené une guérilla parlementaire contre cette régression sociale pour prolonger le mouvement gréviste pour le retrait de la loi, mais Macron est passé en force. Dans la foulée, le Conseil Constitutionnel a validé « la retraite des morts », s’associant ainsi au discrédit grandissant qui frappe le régime présidentiel bourgeois. Le pays reste en ébullition après ce coup d’état parlementaire et la répression continue à s’abattre contre la résistance déterminée et multiforme.
Un long chemin reste à parcourir en France pour l’unité des travailleurs, des secteurs publics et privés, français et immigrés, hommes et femmes, jeunes et vieux, seule condition pour que surgisse un puissant et salutaire mouvement révolutionnaire. La classe ouvrière renoue avec une combativité offensive après des années de luttes défensives disséminées ; nous en avons aujourd’hui des signes indiscutables autant qu’encourageants !
Ce formidable réveil appelle les véritables communistes, aujourd’hui éparpillés, à rendre de plus en plus visible leur unité d’action stratégique pour influer de plus en plus fortement dans le prolétariat en lutte et sur le front anti-libéral, antifasciste, pour bloquer la machine infernale de la broyeuse sociale, la répression de classe et faire le lien avec les guerres impérialistes, notamment celle par procuration de l’OTAN/UE contre la Russie en Ukraine. Tout renfort militant dans cette tâche est le bienvenu !